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- L’OMBRE DES ÂMES - par MES

- L’OMBRE DES ÂMES - par MES

octobre 17/pascale/Littérature

Source image Pinterest

 

Revoici en article le texte que MES nous avait envoyé en septembre sur Claudie Gallay et ses deux livres « Dans l’or du temps » et « Les déferlantes ».

Des lecteurs attentifs (et exigeants !) ont réclamé sa nouvelle mise en page, après « La lettre à Clo » mise en ligne par F.L. ces jours-ci, qui fait allusion à cette autrice et à son oeuvre. La responsable de la mise en ligne vous remercie de l'amour que vous portez au blog et vous signale tout de même que pour vous faire ce petit plaisir, elle a passé  quatre heures sur un ordinateur qui faisait le bronco apache (si Amélie nous permet de mélanger nos références !).

                   

 

                             J’avoue mon crime : je ne connaissais pas Claudie Gallay. 

                                        C’est en fouillant dans les cartons de la bibliothèque, après la réunion, que je suis tombé sur un mince volume - ça j’aime ! - et un gros pavé – ça, j’aime moins et même pas du tout ! mais un coup d’œil à l’intérieur m’a rassuré : papier épais, grosse typo, je prends ! J’ai lu les deux livres d’affilée et presque sans prendre le temps de reprendre mon souffle. Le premier dans l’ordre chronologique d’écriture et de parution est « Dans l’or du temps » (2006). Le second est « Les déferlantes » (2008). 

 

                              Etrange parenté de deux ouvrages qui se suivent et se ressemblent de façon si étonnante. 

 

                                           D’abord par les paysages. Nous sommes dans les deux cas en Normandie,  au sud de Dieppe pour le premier, à la Hague pour le second. Pour une fille de l’Isère, il faut reconnaître à l’autrice un talent certain pour rendre aussi bien les brumes, les vagues, les pluies, les tempêtes de ces « bouts du monde » si différents de ses solides montagnes. Que l’on soit sur les plages détrempées de la Côte d’albâtre, entre Veules-les-roses et Cabourg, avec le narrateur et sa vieille Deux-Chevaux dans le premier roman ou du côté d’Auderville, sur les falaises, à compter les oiseaux avec la jeune ornithologue dans le second, ce sont toujours, brossés à petites touches comme impressionnistes, des terres que la puissance de l’océan rend incertaines, des mers menaçantes, des ciels d’une tristesse diffuse et inquiète, des soirs et des nuits d’une obscurité oppressante. 

                                       Ensuite par l’ambiance, qui est celle de l’ombre. L’ombre qui rôde dans les âmes et celle qu’elles font peser sur les vivants.  Nous entrons comme par effraction dans un huis-clos insolite, celui d’un homme « ordinaire » et d’une très vieille femme, Alice, dans « L’or du temps », celui d’un village entier et d’une « horsain », jeune femme « étrangère » qui y travaille quelques mois, dans « Les déferlantes ». 

                                        De façon déroutante, les deux personnages-narrateurs sont et resteront anonymes. Alors qu’on a l’impression que l’autrice nous donne tout à connaître d’eux au fil des pages, soit par leur discours intérieur soit par les conversations qu’ils ont avec quelques interlocuteurs, ils restent des ombres. Le plus énigmatique est sans doute celui de l’homme, fuyant, insaisissable, presque inconsistant. Ce que la vieille Alice lui reproche d’ailleurs avec véhémence. Leur relation, forcée, est un curieux mélange d’attirance et de détestation réciproques. Comme l’est aussi celle de la jeune femme ornithologue et des gens du village. En effet elle essaie, de façon très intrusive, de fracturer le silence de la haine et du secret partagé et caché dans lequel ils sont murés. Mais elle est plus « humaine » que le premier personnage-narrateur. Gallay nous fait espérer qu’elle échappera à l’ombre du passé qui l’empêche de vivre : sa souffrance personnelle est susceptible de guérison, grâce à une nouvelle fascination amoureuse salvatrice. Il est amusant de constater que la clef de cette guérison du second roman est donnée dans le premier ! par un poème d’André Breton : « Un amour fou ne se remplace pas… etc » ( p.144 de l’édition J’ai lu). 

 

                                       Enfin par la technique d’écriture policière. Il n’est pas banal d’utiliser cette technique pour conter et élucider une histoire d’atmosphère et de société, ou de moeurs, si vous voulez. De ce point de vue, les deux livres sont construits de façon identique : pour reprendre l’expression de l’autrice Fred Vargas, il y a « LE crime originel ». Celui dont tout découle. Celui dont l’ombre affreuse obscurcit le présent. Qu’ils soient coupables, victimes, témoins, ou qu’ils n’aient fait que se taire, voire simplement être dans les parages, tous vivent dans l’ombre de la mort, comme dit le psalmiste. J’ai presque envie de dire que ce crime originel a empoisonné la vie des personnages-narrateurs avant même qu’ils en aient eu connaissance. Comment expliquer sans cela leur incapacité à s’analyser et à réagir, leur « mal-être », leur conscience obscure ? 

                                    Petit à petit et sans que jamais nous ayons d’autres éléments d’élucidation que ceux que découvrent les narrateurs eux-mêmes, nous progressons vers la solution de l’énigme. Un critique enthousiaste a parlé de « descente implacable vers l’enfer ». C’est à peine exagéré. Plus encore que le reste, je crois que c’est cette démarche lente qui m’a fait aimer ces livres, de même que j’avais été séduit par la progression sans hâte mais écrasante d’Arnaldur Indridason. La vérité n’éclate que dans les dernières pages des deux ouvrages. La soif de dire, le besoin irrépressible de parler, de raconter l’horreur sont explosifs. A la veille de leur propre mort, la vieille Alice, le vieux guetteur doivent se découvrir et à la limite, peu importe à qui…. 

 

                                          Mais même s’il y a réellement un meurtre dans le premier roman, il n’est pas le point fort de l’histoire. Le mérite de Gallay est de nous faire toucher du doigt que l’on peut tuer quelqu’un sans lui ôter la vie.  En le privant de l’amour auquel il avait droit, de sa dignité, de son intégrité, de son histoire…. La présence des années américaines d’André Breton et de ses compagnons d’exil dans la trame de « Dans l’or du temps » prend alors tout son sens. Gallay aime à nous faire partager ses goûts bien personnels en matière de littérature et de peinture. Mais il y a ici plus qu’une ingénuité d’auteur. Le « rapt » des kachinas hopis pendant le séjour en Arkansas* est un élément essentiel du roman. Ce sont le père d’Alice et le grand-prêtre du Surréalisme lui-même qui l’ont commis, ce crime ! C’était bien la peine de tant railler les bourgeois pour faire comme eux et arracher contre quelques dollars à une population crevant de misère les fétiches incarnant sa foi, son espoir et son histoire !  Gallay veut-elle nous faire sentir que l’appropriation culturelle est aussi une façon de tuer sans verser le sang ? On pourrait regarder d’un autre œil la présence obsédante des masques amérindiens dans le premier roman, et du phare de la Hague dans le second. Ne seraient-ils pas plus que des objets ? Ne seraient-ils pas des témoins de lumière, ces « totems » qui semblent veiller sur l’action et tenir à ce que la vérité soit mise au jour ?

 

 

 

                                       * A la suite de commentaires acides sur le blog sous le fauteuil orange, je dois corriger ma gravissime erreur. C’est, bien sûr, en Arizona que se situe la civilisation hopi ou ce qui en reste.

                                          PS. Ne me dites pas que je plagie le titre fameux d’Edith Wharton que nous avons découvert ensemble à st Auban le 10 août dernier, je le sais ! mais c’était trop tentant.



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Commentaires/ 8

  • Portrait de pascale
    pascale
    oct 17, 2018, 15:09-répondre

    Bonjour ZokZok, n'est pas kachina hopi qui veut !! Malédiction à celui qui ose dire qu'elles sont moches :-) :-)

  • Portrait de ZokZok
    ZokZok (non vérifié)
    oct 17, 2018, 15:09-répondre

    t'aurais pas raté une ligne ?

  • Portrait de pascale
    pascale
    oct 17, 2018, 15:09-répondre

    Bonjour Zokzok, votre commentaire précédent critiquant le choix de l'image représentant une kachina a disparu... Mauvaise manipulation de ma part sans doute. Si vous voulez la publier à nouveau, elle aura sa place. Bonne journée sous la pluie.

  • Portrait de MES
    MES (non vérifié)
    oct 17, 2018, 15:09-répondre

    Et voilà ! et voilà ! on essaie de trouver une image de kachina hopi vraiment hopi pour ne pas fâcher Amélie, on essaie d’en trouver une pas trop traumatisante pour le lecteur de base (ces poupées, elles ne vous fichent pas la trouille à vous ? moi qui n’y connais rien, j’ai toujours un petit frisson dans le dos quand je les regarde. Comment savoir si elles sont bien intentionnées ou si elles s’apprêtent à vous enfoncer un couteau dans le dos ?). P. essaie de convaincre sa « machine à coudre » d’ingérer la photo. Visiblement, elle lui reste en travers du gosier, au PC débile, mais là, je le comprends - pauvre nul ! - : ces poupées on ne sait jamais…voir plus haut… à moins que ce soit les plumes qui le grattouillent… Il s’obstine à nous sortir une version minimaliste, quand il ne la coupe pas en tranches ! Que de temps et que d’énervement sur la nouvelle version !!! Et en récompense ? encore des critiques !

  • Portrait de Amélie
    Amélie (non vérifié)
    oct 17, 2018, 15:09-répondre

    Bonsoir. Je ne veux pas vous démoraliser, Pascale et MES, mais je ne suis pas sûre que votre poupée soit authentique. Dsl !

  • Portrait de Bent'ji
    Bent'ji (non vérifié)
    oct 17, 2018, 15:09-répondre

    MAIS ENFIN !! qu’est-ce que vous avez, tous, à mettre en doute l’authenticité de tout ce qu’on vous présente ? Pierre ne croit pas au psy, Amélie ne croit pas au petit danseur hopi…Tous paranos ou quoi ? ou vous voulez imiter mon enquête maritime ? On arrête, les Sherlock ! Ici, c’est ni Scotland Yard ni le Quai des Orfèvres ! VOUS FERIEZ MIEUX DE DIRE CE QUE VOUS PENSEZ DES LIVRES DE CLAUDAY GALLIE. Moi, j’ai trouvé la lecture agréable sans plus, j’ai l’impression que MES a rajouté beaucoup d’épices perso à la sauce d’origine. Alors, la patouille de la quinzaine dernière, c’était une erreur ? OK, OK, ça arrive à tout le monde. Mais je profite de l’occasion pour le redire : « A tous les modérateurs et administrateurs et contrôleurs de site : pas d’anathème ni de jettatura ni de bizutage ! NOUS, ON DIT QUAND ON AIME ET ON PEUT DIRE QUAND ON N’AIME PAS ! ». On n’est pas là pour se passer la brosse à reluire mutuellemnt. Et on ne veut pas se faire engueuler quand on sort du rang d’oignons ! Sinon c’est plus un blog, c’est aussi barbant et aussi dépassé qu’un bulletin municipal !

  • Portrait de MES
    MES (non vérifié)
    oct 17, 2018, 15:09-répondre

    et c’est toi qui nous traites de paranoïaques ! Allons, B, soyons raisonnables, arrête de faire ton coq gaulois et baisse tes cocoricos d’une octave, veux-tu ? et pour reprendre tes belles majuscules : SI ON PARLAIT UN PEU DES BOUQUINS DE CLAUDIE ????

  • Portrait de pascale
    pascale
    oct 17, 2018, 15:09-répondre

    Pas d’inquiétude, les mauvais sorts ne sont pas dans mes habitudes mais les plaisanteries , oui... En effet, Bent'ji, les critiques lorsqu'elles sont constructives sont les bienvenues. Alors, Claudie Gallay ? D'autres commentaires ? D'autres lectures ? Pour ma part, j'avoue ne pas avoir eu encore l'occasion de lire cette auteure mais le texte de MES est convaincant et me donne envie d'en prendre connaissance.....


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