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Quelques précisions relevées, toujours, dans le «Dictionnaire de la cuisine de Provence», sus cité, et corroborés par les entretiens que j’ai eus.
« On ignorait jusqu’à l’existence des endives, des brocolis, ou jusqu’à l’éventualité de manger des grenouilles, dans de nombreuses familles provençales il y a moins de 30 ans. En revanche, certains aliments, autrefois très répandus jusqu’au début du XXème siècle, tombent en désuétude et disparaissent : épeautre, ers (sorte de lentille), panais, huile de noix, choux, petits oiseaux, favouilles (petits crabes), pissenlits, agulences (fruits de l’églantier), sorbes, fleurs d’acacia, lait de chèvre … D’autres deviennent des aliments de luxe et de fête, alors qu’ils étaient l’ordinaire des petites gens : truffes, escargots, oursins, bouillabaisse… D’autres encore restent usités mais de façon moins fréquente : saindoux, sardines châtaignes, blettes, pois chiches, huile d’olive, anchois, cardons, pains… Tout cela avec des variations selon les régions et les familles, ou les personnes (d’une manière générale, la basse Provence – rhodanienne et côtière- est plus riche que le pays gavot, et l’on s’y est toujours nourri d’une façon plus abondante et plus variée, grâce aux conditions climatiques exceptionnelles aux grandes voies de communication sur terre ou sur eau). « page 13
« Certains produits sauvages font l’objet de cueillettes et de consommation régulières : les truffes qui étaient jadis la pomme de terre du pauvre, différentes salades (pissenlit, laiteron, cousteline, pourpier…), champignons, fruits des bois, châtaignes, pignons … (…)
Viandes : pendant longtemps, en provençal, « viando », ce mot n’a désigné que la viande de boucherie, bœuf, veau et agneau, nourriture des riches. Volailles, gibier (lapins, lièvres, sangliers, petits oiseaux – les chasseurs sont nombreux en Provence), et porc rituellement tué une ou deux fois par an, ont constitué l’essentiel de l’alimentation carnée des Provençaux (et uniquement les jours de fêtes dans les régions et les milieux les plus pauvres). page 22
Par rapport à la bibliographie proposée :
- Emilie CARLE ALLAIS (Une Soupe aux Herbes Sauvages) décrit un monde dur, pur et révolu avec son combat majeur … c’est une ode à la nature et aux valeurs vraies.
Selon https://rebellyon.info/Le-29-juillet-1979-Emilie-Carles
EXTRAITS : « C’est pareil pour toutes choses, ce qui paraît irréalisable pour l’heure sera une réalité demain. » Émilie Allais est née en 1900 à Val des Prés, petit village situé dans la "Vallée de la Clarée", (…), au Nord-est de Briançon. Son père est paysan de montagne. Elle a 5 frères et sœurs. A quatre ans, elle perd sa mère foudroyée dans un champ. La vie n’est pas facile. Les journées d’Émilie sont doubles : aux champs et à l’école. Elle fait 7 km à pied pour aller à l’école à Briançon, car elle veut devenir institutrice. A 16 ans elle parvient à quitter sa vallée pour Paris, afin d’obtenir son diplôme. (…) Elle apprend à ses élèves la tolérance, le refus de la guerre et la fierté de leurs traditions paysannes. (..) Elle raconte sa vie et ses révoltes dans une autobiographie : "Une soupe aux herbes sauvages" paru en janvier 1978, elle meurt le 29 juillet 1979 à Val des Prés.
LA VRAIE SOUPE AUX HERBES SAUVAGES... SANS CHEF, SANS DOMINATEUR
«Ça, c’est du plantain et voilà de l’oseille sauvage, de la drouille, de l’ortie ou barbe à bouc, du pissenlit, de la doucette, un petit chardon des champs ou chonzio, une plante laiteuse, le laichuron, du mille-feuilles, du chalabrei aux feuilles largement dentelées, de la tétragone ou épinard sauvage, de la langue bogne, une feuille de sauge et un brin de ciboulette. A cela j’ajoute une pointe d’ail, quelques pommes de terre ou une poignée de riz et j’obtiens une soupe onctueuse et délicieuse. Pour la réussir, ce qui importe, c’est de respecter les proportions. Il faut très peu d’herbes de chaque sorte afin qu’aucune ne l’emporte sur les autres.»
Mon commentaire : Dans cette «recette» il n’est pas seulement question des plantes elles mêmes : elles représentent saveurs, textures et visuels différents.
Emilie nous parle de complémentarité des différences qu’elles soient idéologiques, physiques, ou autres afin de réaliser un mets goûteux et unique ; il est nécessaire de mettre «un peu» de chaque … et qu’aucun ne domine les autres …
- Danielle BAUDOT LAKSINE (Pierre le Migrant et Tant’Anna)
nous montre que si les migrants italiens pour raisons économiques étaient durs à la tâche : leur intégration n’était pas gagnée d’avance.
Ils amenaient avec eux leurs techniques, leurs langages et leurs habitudes alimentaires. Dans l’un ou l’autre de ces domaines, certains mariages se sont faits avec bonheur mais pour d’autres cela a été un appauvrissement … notamment au niveau du langage et des langues : le Provençal, l’Italien et le Français y ont perdu …
Ecoutons Danielle sur le site http://www.bergier.fr/www.bergier.fr/Pierre_le_Migrant_T1.html
nous parler de ce qu’elle a appris des anciens comme celui qui utilisait un «brin de bourrache pour soigner son rhume, quatre feuilles d’olivier sauvage pour calmer sa tension».
Et puis quelques extraits des propos de Pierre né en 1899, dans le Tome 1 – La montée vers l’herbe :
«De nous on disait c'est des sauvages ! On était des sauvages comme les Arabes, pareil ! On était des migrants... Un migrant... Il suit les bêtes, il suit la fleur, il suit le raisin, il suit les olives, il suit le travail, il suit tout, un migrant. Avec sa faux il monte... Il monte avec le soleil, il monte avec la chaleur, il monte vers l'herbe... »
On retrouve dans ses propos ce qui est mon credo personnel depuis longtemps et qui m’a poussé à me battre afin d’obtenir cette Mission de Collecte de la Parole des Anciens :
«On n'allait pas à l'école, on n'apprenait pas des livres mais on apprenait des vieux, que maintenant personne les écoute plus, les anciens, alors ils disent plus rien !
Les gens écoutent au poste ceux qu'ils y connaissent rien et à côté d'eux y a un vieux qui a vu, qui sait, qui voudrait raconter mais à lui, ils y demandent pas !... »
Les propos de Pierre rejoignent ceux de mon visionnaire de Père, qui né en 1924, était dans sa jeunesse considéré comme progressiste, auprès des anciens, en passant des animaux de traits aux premiers tracteurs, mais avait la même analyse face à l’emballement des techniques, produits synthétiques et du gâchis des terres les plus riches anéanties sous le goudron et le béton, particulièrement sur les rives riches en alluvions des cours d’eau … dans le Tome 2 – La Bastide des Espoirs :
«Ils bitonnent et ils goudronnent que tout à l'heure Cannes y touche Grasse, mais ça peut pas durer, enfin, et un jour les hommes ils casseront toutes ces saloperies de goudron et de biton et ils iront les jeter à la mer pour retrouver la Terre, et ils voudront recommencer d'y semer, d'y planter, d'y faire donner de la nourriture, mais ils sauront plus !
Ils auront laissé partir les anciens sans y demander comment faire et la Terre, de toute manière, elle acceptera plus de se fatiguer pour eusses... »
Là aussi on peut mettre en parallèle les propos de Pierre et ceux d’Odette :
«Vous mettiez un gros morceau de bois à pas trop vite, que ça reste un petit feu, vous laissiez cuire là-dedans quand vous alliez travailler au jardin et même pas besoin d'y surveiller alors que maintenant, avec le gaz, si vous êtes pas là tout se brûle. Une fois, j'avais laissé des pigeons à cuire sur le gaz et j'étais parti piocher, eh bien de retour je les ai retrouvés noirs... Ah, le gaz, on rate tout là-dessus.» ... à suivre