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- "Les chaussures italiennes" par FL

- "Les chaussures italiennes" par FL

octobre 04/Virginie/

Source image : Pinterest

 

 

Le livre :

 

 

Alléchée par la présentation presque ésotérique qu’avait faite notre ami A. du livre « Les Bottes suédoises » en juillet dernier, j’ai découvert que ce titre, publié en 2015, avait été précédé par un autre, publié en 2006. Je me suis dit qu’il valait peut-être mieux commencer par le premier de ces livres puisque leurs intrigues se suivent. Bien m’en a pris de commencer par « Les chaussures italiennes »,

 

car « Les bottes suédoises » ne sont guère que la resucée des « Chaussures » (si j’ose dire !), avec un incendie en plus. Les péripéties y sont floues, les motivations obscures, les sentiments affadis (quel dommage !). Les anecdotes pittoresques sont davantage plaquées à l’histoire qu’elles ne s’y intègrent. Cela sent l’inachevé, la précipitation, dans la maladie et la souffrance. « Les bottes suédoises » sera effectivement l’ultime ouvrage de Mankell.

 

 

Bien porté par la vogue du roman scandinave, le roman « Les chaussures italiennes » a reçu en 2016 en France un accueil si enthousiaste qu’il a fortement agacé certains, qui ne lui ont pas ménagé leurs critiques. Est-ce ou n’est-ce pas un « grand » livre ?

Pour ma part, je ne trancherai pas, car il peut se goûter de plusieurs façons, plaire follement et même déplaire ! J’ai lu en tout cas avec beaucoup de plaisir cette lente méditation sur la mort et la solitude, la vieillesse et la maladie, la vérité et le mensonge, le courage et la lâcheté.

 

 

 

Fredrik Welin, homme déjà âgé, vit depuis douze ans presque reclus dans une petite île râpée de l’archipel de Stockholm.

Il est si seul qu’il lui faut s’immerger tous les matins dans une eau gelée pour être sûr d’être encore vivant. Il soliloque sans hâte et sans émotion, dans une langue neutre, retenue, intimiste, presque indifférente, qui semble fuir la réalité plutôt que la décrire. Il est la proie du froid d’une nature inclémente mais surtout d’un froid intérieur qui l’a progressivement transformé en une fragile stalactite. Ses remords, ses regrets, ses trahisons, ses échecs, son imperfection, son inadéquation au monde sont les démons glacés qui tourmentent cette âme abandonnée de tous et surtout de soi-même.

 

 

 

Mais qu’y a-t-il de réel dans ce conte nordique sans queue ni tête ?

On peut le prendre au pied de la lettre : penser que ces épisodes sont vrais. Penser que ses rencontres avec des êtres insolites mais pleins de chaleur et de générosité, avec des femmes de chair et de sang, bien vivantes, dont la vaillance et la sincérité ne redoutent pas le corps à corps avec les épreuves, correspondent à l’histoire vécue par Fredrik. On peut croire que la vie avec sa rudesse mais aussi ses douceurs va l’arracher à la culpabilité qui le tue, qu’un pardon donné et reçu va lui rouvrir les portes de la réalité.

 

 

 

Je préfère croire qu’il s’agit d’un parcours initiatique pour se trouver soi-même, avant qu’il soit trop tard…

Dans ces livres, tout est du domaine du rêve, tout a l’absurdité de l’imaginaire. Ce ne sont que mirages sur la glace, comme ceux qui tremblent au-dessus du sable. Quoi de plus onirique que l’arrivée sur l’îlot d’une femme mourante qui se matérialise dans le brouillard avec un déambulateur ? que l’étang noir et sans fond où nage le père, seul ? La fille qui sort d’une caravane et marche dans la neige en talons aiguille n’est-elle pas le fantôme incongru de l’enfant que Fredrik n’a jamais eue et sans doute jamais souhaitée ? Cette femme manchote qu’il retrouve est-elle autre chose que l’image d’un remords torturant ? Ce vieil italien qui sculpte avec amour les chaussures les plus fines et les plus coûteuses n’est-il pas une réminiscence d’enfance, un avatar de Geppetto, le « père » de Pinocchio, pantin vivant mais menacé au moindre mensonge d’être « défiguré » et de ne pouvoir jamais devenir un vrai petit garçon ? Craintes d’enfant, peurs d’adulte que la solitude fait ressurgir de la mémoire…

 

 

Les rythmes naturels sont très présents. Le climat redoutable de l’archipel donne du relief à l’opposition des saisons, à la succession du jour et de la nuit.

La vie renaît après le long hivernage, de même que mer et rivières, prises et immobilisées par la glace, se dégagent et bondissent de nouveau quand enfin vient le redoux. Le solstice d’hiver est le titre de la dernière partie.

Certains critiques ont noté que si le solstice d’hiver porte en lui le germe du renouveau, le solstice de juin annonce l’hiver. S’appuyant sur ces éléments, ils prétendent lire une corrélation symbolique de la vie du héros et du retour régulier des saisons et des solstices. Mais l’hypothèse me paraît tourner court. L’alternance de l’ombre et de la lumière ne suffit pas pour caractériser un récit en boucle. La pauvre existence du héros est linéaire et les évènements passés sont irrémédiables*.

Fredrik pourra bien recommencer son puzzle de la « Ronde de nuit » mais peut-il recommencer celui de sa vie ?

 

 

L’auteur :

 

Henning Mankell, romancier et dramaturge suédois, mort à 67 ans il y a deux ans, est surtout connu pour avoir créé l’inspecteur Kurt Wallander dans « Meurtriers sans visage », paru en 1991.

Ce personnage est le héros d’une série télévisée entre 2008 et 2010. Sa popularité deviendra telle que le commissariat d’Ystad, en Scanie, dans le sud de la Suède, est un haut lieu touristique où les curieux demandent à rencontrer le fameux enquêteur. Mankell a écrit d’autres oeuvres non policières ainsi que des ouvrages de littérature d’enfance et d’adolescence. Il fait paraître en 2006 (2009 en France) « Les chaussures italiennes » et en 2015 (2016 en France) « Les bottes suédoises ».

 

 

* « J’avais découvert que ces douze années passées sur l’île étaient des années gâchées, ni plus ni moins : un liquide que j’aurais laissé s’écouler d’un récipient fêlé. Or il n’y avait pas de retour en arrière, on ne pouvait pas recommencer et faire les choses autrement. » (page 340 de l’édition en gros caractères).



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Commentaires/ 2

  • Portrait de beasihono
    beasihono (non vérifié)
    oct 04, 2017, 10:11-répondre

    Bonjour F Très bien vu ta critique sur les 2 tomes Chaussures italiennes et Bottes suédoises de Mankel.. Un auteur que je ne connaissais pas et que la présentation de A. m'a incité à découvrir. Comme toi j'ai eu la chance de commencer par le bon tome - rythmé - interessant - même palpitant ..j'en attendais la fin avec impatience...pour le second j'ai été déçue et là je suis restée sur ma faim... comme quoi un même auteur peut être prodigieux et ensuite "gnan - gnan"..conclusion j'aurai du m'en tenir aux chaussures italiennes (maintenant c'est mon avis personnel, à vous de vous faire votre opinion )

  • Portrait de Virginie
    Virginie
    oct 04, 2017, 10:11-répondre

    Bonjour FL ... ce livre-là est dans ma PAL (décodez "Pile à lire") depuis ...... de nombreuses années !!


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