NOTE DE LECTURE
par MES
Deux ouvrages de Claudie Gallay : « Dans l’or du temps » (2006), premier dans l’ordre chronologique d’écriture et de parution. et « Les déferlantes » (2008), qui se ressemblent de façon étonnante.
Ils se situent en Normandie, au sud de Dieppe pour le premier, à la Hague pour le second. Que l’on soit sur les plages détrempées de la Côte d’albâtre, entre Veules-les-roses et Cabourg, avec le narrateur et sa vieille Deux-Chevaux dans le premier roman ou du côté d’Auderville, sur les falaises, à compter les oiseaux avec la jeune ornithologue dans le second, ce sont toujours, brossés à petites touches comme impressionnistes, des terres que la puissance de l’océan rend incertaines, des mers menaçantes, des ciels d’une tristesse diffuse et inquiète, des soirs et des nuits d’une obscurité oppressante.
L’ambiance est celle de l’ombre. L’ombre qui rôde dans les âmes et celle qu’elles font peser sur les vivants. Nous entrons comme par effraction dans un huis-clos insolite, celui d’un homme « ordinaire » et d’une très vieille femme, Alice, dans « L’or du temps ». Leur relation, forcée, est un curieux mélange d’attirance et de détestation réciproques. Dans « Les déferlantes », c’est celui d’un village entier et d’une « horsain », jeune femme « étrangère » qui y travaille quelques mois. Elle essaie, de façon très intrusive, de fracturer le silence de la haine et du secret partagé et caché dans lequel des gens du village sont murés. Les deux personnages-narrateurs sont et resteront anonymes. Alors qu’on a l’impression que l’autrice nous donne tout à connaître d’eux au fil des pages, ils restent des ombres.
Les deux livres sont construits de façon identique : tout découle du « crime originel ». Celui dont l’ombre affreuse obscurcit le présent. Qu’ils soient coupables, victimes, témoins, ou qu’ils n’aient fait que se taire, voire simplement être dans les parages, tous vivent dans l’ombre de la mort. Petit à petit et sans que jamais nous ayons d’autres éléments d’élucidation que ceux que découvrent les narrateurs eux-mêmes, nous progressons vers la solution de l’énigme.
Mais même s’il y a réellement un meurtre dans le premier roman, il n’est pas le point fort de l’histoire. Le mérite de Gallay est de nous faire toucher du doigt que l’on peut tuer quelqu’un sans lui ôter la vie. En le privant de l’amour auquel il avait droit, de sa dignité, de son intégrité, de son histoire. Placé pendant le séjour en Arizona d’André Breton et de ses compagnons d’exil, le « rapt » des kachinas hopis est un élément essentiel du premier roman « Dans l’or du temps ». Avec le phare de la Hague dans le second, ils sont plus que des objets, des témoins de lumière qui semblent veiller sur l’action et tenir à ce que la vérité soit mise au jour.
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