Par un beau dimanche d’automne où les fleurs des chrysanthèmes brillent sous la lumière du soleil, les moineaux gazouillent dans l’arbre du zakuro (grenadier), mon neveu Satoshi fait ses devoirs, il lit la tête baissée, mon regard se pose sur le petit grain de beauté au bas de sa nuque, le même qu’avait mon père, le grand-père de Satoshi.
Bientôt, j’irai chercher ma mère dans la maison où résident les gens atteints de démence sénile, mon père a disparu en Sibérie à la fin de la guerre en 1945.
Ma mère a toujours eu l’intuition que mon père était en vie, à présent elle ne se souvient que de sa jeunesse et attend que son mari Banzô revienne la chercher.
Je suis marié sans enfants, j’ai des neveux et nièces, je suis beaucoup plus âgé que mon frère et mes sœurs.
Ce soir toute la famille se réunira chez moi. Après leur départ, je me repose dans le salon, quand le téléphone sonne, c’est mon ami Kôji qui vient de rentrer des Etats-Unis, il veut me voir au plus tôt et me donne rendez-vous pour le lendemain dans un bar.
Il me demande des nouvelles de ma mère, et je lui rapporte ses propos : « - j’attends Banzô, il viendra bientôt me chercher de Mandchourie » on voit bien que son esprit est dérangé.
Kôji me dit d’un air sérieux : « - Ta mère a tout à fait raison, j’ai vu ton père à Los Angeles ».
Je suis sous le choc, il m’affirme que mon père est bien vivant, il l’a vu dans un restaurant japonais, qu’il est remarié avec une Japonaise, et qu’ils habitent à Yokohama tout près de chez nous, sa famille.
Il en est certain, car il a remarqué un détail important chez cet homme, dans sa nuque, il a vu le même grain de beauté que Satoshi.
Le propriétaire du restaurant lui a appris qu’il voulait immigrer aux Etats - Unis, acheter son restaurant car sa femme est cuisinière.
Il me remet un papier avec leur adresse et leur numéro de téléphone et rajoute un nom, Eiji Satô, en me disant, c’est le nom actuel de ton père.
Je rentre chez moi complètement abasourdi. Comment un homme qui a aimé sa femme, adoré ses enfants, qui a eu un si grand sens de la justice, un homme têtu mais très honnête a-t-il pu ne pas rentrer chez lui où sa femme l’attend depuis 25 ans?
Si un homme ne rentre pas chez lui après vingt-cinq années d’absence, c’est qu’il a certainement une raison grave de le faire !
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