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ARRIA MARCELLA
Cette nouvelle débute par le voyage initiatique en Italie au XIXème siècle de trois jeunes gens dont Octavien. Lors d'une visite au musée de Naples il est subjugué par l'empreinte du buste d'une jeune femme dans la lave refroidie - suite à l'éruption du Vésuve en 79 de notre ère. Son imagination s'emballe et il se représente une très belle femme dont il tombe amoureux. Il ne pense plus qu'à elle et se rendant à Pompéi en compagnie de ses amis il en découvre l'identité. Un soir, il décide de redécouvrir Pompéi sous la lune. Chemin faisant il lui semble que la ville en ruines retrouve sa splendeur, ses couleurs telle qu'elle était avant l'éruption du volcan. Ce sont d'abord des formes incertaines qui viennent à lui, puis carrément les anciens habitants de Pompéi. Il se rend au théâtre et dans le public rencontre une jeune beauté qui ne peut être que celle vue au musée de Naples. Elle l'invite chez elle à un repas. Une idylle se noue mais ne durera que quelques heures car survient le père de la jeune fille. Il admoneste durement sa fille, lui reproche son inconduite, son immoralité et d'avoir abandonné la religion chrétienne.... A cet instant, la réalité reprend ses droits, le rêve ou le sortilège s'évanouit.
Octavien se réveille au matin dans une rue de Pompéi alors que ses amis inquiets sont partis à sa recherche. Il est persuadé que son amour a aboli le temps et il reviendra à plusieurs reprises la nuit hanter Pompéi à la recherche de sa bien aimée.
L'auteur qui a fait de nombreux voyages en Europe, dont l'Italie, décrit avec une grande précision la ville de Pompéi. On plonge dans cette cité avant qu'elle ne soit ensevelie avec ses habitants par la lave du Vésuve voisin. Il traite ici l'amour absolu au delà de la mort et au delà des siècles. Il met en opposition aussi la vie, la jeunesse et son insouciance représentée par Arria qui préfère les anciens dieux à la religion monothéiste prônée par son père empreinte de puritanisme et d'une tristesse à mourir. Elle est le symbole d'une jeunesse qui croque la vie à pleine dents sans se soucier de la morale.
LA MORTE AMOUREUSE
Apparemment Théophile Gauthier a des comptes à régler avec la religion catholique. Dans cette nouvelle son héros est un prêtre qui doit prononcer ses vœux et c'est ce jour-là qu'il tombe lui aussi en extase devant une très belle femme qui se trouve dans l'assistance. Il est tellement troublé qu'il a du mal à suivre la cérémonie et acquiesce tout en étant ailleurs. Il devient un véritable automate. Lui qui n'avait jamais connu de femme hormis sa mère qu'il rencontrait deux fois par an, est véritablement subjugué par cette créature qui a la beauté du diable et qui s'appelle Clarimonde, comédienne de son état aux mœurs dissolues. Ici ce n'est pas le père comme dans ARRIA MARCELLA qui intervient, mais son mentor, un vieux curé qui suit le jeune abbé depuis son noviciat .Il le met en garde contre la tentation et les pièges que le diable peut tendre aux âmes faibles. Notre jeune abbé se reprend un peu et heureusement pour lui il est nommé dans une autre région. Oui mais de temps en temps il pense à cette très belle femme et regrette d'avoir prononcé ses vœux. Un jour il est appelé pour administrer l'extrême onction. Il se rend au chevet d'une femme qui n'est autre que Clarimonde. Là encore, notre prêtre est au 400 coups et il oublie ses vœux pour connaitre l'amour ... Devant ce désastre et cet amour qui vampirise le jeune abbé, le vieux curé n'hésite pas à commettre un sacrilège en violant la sépulture de Clarimonde qui est bel et bien enterrée là depuis longtemps - cet électro choc sera-t-il suffisant pour que notre jeune abbé oublie son premier amour ?
Ah la la ! les anachronismes ! je ne sais pas pour vous mais moi ça me rend dingue ! je ne peux plus apprécier ce que je lis. J’ai beaucoup de respect pour Théophile Gauthier, « le poète impeccable » mais c’est sa spécialité ! C’est agaçant ! La « religion chrétienne » à Pompéi en 79 ? même le mot n’existe pas encore ! A Rome, énorme cité cosmopolite qui atteint 1 million d’habitants, en provenance de toutes les régions de l’Empire, il y a depuis peu une petite communauté de juifs convertis et de « gentils ». On le sait parce que Paul de Tarse leur écrit en 55/56. Mais dans cette ville de rupins qu’est Pompéi ? Les esclaves y sont nombreux mais pas la classe populaire, la plèbe, qui est le terreau du nouveau monothéisme. Les habitants sont des nouveaux riches pour qui les « signes extérieurs de richesse » sont essentiels. Ils ne pensent qu’à se faire concurrence avec des maisons toutes plus belles les unes que les autres, des banquets et des jeux somptueux. Une chose est sûre : si un de ces hommes d’affaires prospères est un « sympathisant » ou s’il a été jusqu’à adopter la nouvelle foi, il doit respecter scrupuleusement les contraintes de la religion d’Etat de l’Empire : calendrier, fêtes, culte de l’empereur divinisé. A moins d’y laisser sa vie, celle de ses proches et ses biens. S’opposer à Domitien était une très mauvaise idée…On voit mal un père de l’époque engueulant sa fille parce qu’elle préfère rester fidèle au paganisme officiel !!! Autre détail : Pompéi et Herculanum n’ont pas été englouties par la lave mais par des scories volcaniques (pierre-ponce) et des cendres, ce qui explique leur conservation.
C’était Titus en 79 mais ce n’était guère mieux. On sait ce qu’il a fait de Jérusalem en 70… Pas du genre tolérant, ces gens…
Pas d’accord, Bent’ji ! Peu d’empires ont été aussi tolérants en matière religieuse que l’Empire romain. Ils n’avaient pas beaucoup de respect pour leur panthéon, trop usé et trop humain pour être convaincant. Ils étaient toujours prêts à tâter d’autre dieux, grecs (mystères delphiques), perses (Mithra), moyen-orientaux (Dionysos), égyptiens (Isis entre autres, qui avait son temple à Pompéi), etc. Ce qu’ils n’ont pu blairer dans le monothéisme hébreu, c’est surtout qu’il nourrissait des révoltes incessantes, plus encore politiques que théologiques, contre l’occupation romaine. Ils avaient donné à cette petite province agitée des privilèges cultuels exorbitants. Mais il ne fallait pas toucher aux institutions romaines, en particulier l’impôt et le culte de l’empereur qui était le ciment d’un territoire trop vaste.
Autant pour moi, FL, tu as raison. J’appuie même dans ton sens : bien que « maîtres du monde », ils étaient fascinés par les arts, la littérature et les philosophies étrangères. En particulier, jamais auparavant la civilisation grecque n’avait connu l’influence intellectuelle que lui offerte le monde romain. On oublie souvent que, depuis Alexandre et jusqu’à très tard, malgré l’étouffante présence des légions romaines, ce n’était pas le latin qui était la langue la plus diffusée tout autour de la Méditerranée mais le grec. Pour en revenir à « Arria Marcella », j’ai bien l’impression que l’« Engueulade par le Méchant Papa », est en soi un autre anachronisme. D’abord parce qu’à l’époque les filles n’avaient pas la possibilité de s’exprimer. Elles ne pouvaient avoir qu’une seule attitude : l’obéissance. C’était une donnée sociale si basique que les quelques désobéissances de l’Histoire ont été célébrées par les écrivains (Antigone, Electre…). Les mœurs des demoiselles étaient très surveillées : si sa fille avait été peu vertueuse, un père adepte du stoïcisme aurait été aussi sévère que le Méchant Papa (pas de « puritanisme » avant le XVIè européen) ! Ensuite parce que le grief religieux était bien mince, comme l’ont montré Un de l’Es et FL. Mais surtout parce que le Père avait sur sa Maison, la « Domus », une autorité totale. Si le Maître se convertissait, toute la Maison devait en faire autant, jusqu’aux enfants et aux esclaves. C’est pourquoi, d’ailleurs, s’il était persécuté et ruiné, le sort qu’il subissait s’étendait à tous ceux qui dépendaient de lui. Selon la vraisemblance historique, à mon avis, le seul motif possible de la fureur d’un père, Méchant ou pas, à Pompéi en 79, c’est que sa fille s’était soustraite à son autorité et désolidarisée du groupe familial.
Mais c’est justement ce qu’elle a fait, Bent'ji ! elle s’est soustraite à son autorité en menant une idylle sans en référer à son père. Elle s’est désolidarisée du groupe familial en refusant de suivre sa conversion. Pour un père romain, il y a de quoi être en fureur ! et d’être aussi sérieusement inquiet : si la gamine rétive allait le dénoncer pour se venger ? Il risque gros… Maintenant, il faudrait revoir de près quels termes T. Gauthier a employés pour l’« engueulade ». J’avoue que cela ne me tente guère de me donner tant de mal pour une œuvre aussi mineure...
Sur « La morte amoureuse » : Un récit de vampire qui n’a pas fait frémir notre belle Amélie, et pourtant ! on avait tous les ingrédients nécessaires à une intrigue plus-romantique-que-ça-tu-meurs ! Un jeune homme au cœur innocent, prêt à tomber dans tous les pièges de la chair et du coeur. Une très belle femme au métier maudit, assez mystérieuse, infâme de luxure et de perfidie, qui se jette sur cette proie facile. Merci Théophile pour ce portrait de l’ « Eve éternelle ». Un poncif de plus… Scandale supplémentaire, ce puceau se destine à la prêtrise. Tout le monde à bord retient son souffle…Sacrilège en vue ! C’est, dans un genre mineur, le combat du Bien et du Mal ! Mais que les âmes vertueuses se rassurent : il y a dans les coulisses un Mentor pour ce Télémaque pas dégourdi. Ce vieux curé plein de vaillance n’hésite pas à profaner une tombe pour arracher son protégé aux griffes de l’Enfer. Oh la la ! que tout cela est donc délicieusement pervers… Y a pas à dire, c’est ringard à pleurer, le Vatican ne doit pas se faire trop de bile…