- La maison aux esprits - par Béasihono

Cette auteure est née à Lima au Pérou en 1942, a des racines chiliennes. Son père ambassadeur - était le cousin de Salvador ALLENDE 1er président socialiste du Chili, renversé en 1973 par le coup d’Etat du général Augusto Pinochet. suite à une grave crise économique - politique et financière qui a ravagé le Chili... Pinochet mettra en place une cruelle dictature – cette évolution politique et sociale sert de toile de fond à ce roman fleuve.

Il relate la vie d'une famille que l'on suppose chilienne, car ce n'est jamais explicite mais plutôt suggéré sur plus d'un demi siècle - de 1920 à fin 1970. Nous sommes en présence au début du roman d' une société archaïque, où les traditions ancestrales sont prépondérantes, puis arrivent des bouleversements politiques qui conduisent à des affrontements fratricides où les règlements de compte ont été légion.

Il s'agit d'une histoire à tiroirs dont le fil conducteur est Esteban TRUEBA, seule figure masculine ayant vraiment de l'envergure, mais qui n'engendre pas une grande sympathie. Il se révèle être un macho - faisant preuve d'autoritarisme et de violences envers les domestiques et les employés - ne s'embarrassant pas de délicatesse d'ailleurs auprès de jeunes filles qu'il culbutent deci delà. Il est d'ailleurs à l'origine d'une lignée illégitime. Au fil du temps nous faisons connaissance de son 1er amour Rosa DELVALLE d'une beauté hors du commun, issue d'une famille bourgeoise... pour être à la hauteur de cette jeune fille et pouvoir ainsi demander sa main la tête haute, il part faire fortune dans les mines durant de nombreux mois à l'autre bout du pays, les deux jeunes gens échangent des lettres... malheureusement le rêve va s'écrouler car Rosa est empoisonnée à la place de son père homme politique en vue qui a attisé rancœurs et  jalousies.

Esteban puise dans sa détermination naturelle pour tenter de tourner cette page douloureuse. Il décide de procéder à la réhabilitation d'une ferme perdue dans les montagnes, héritée de ses ancêtres, mais abandonnée depuis des années...Lorsqu'il arrive sur place il n'y a plus que des ruines et les employés encore présents vivotent comme ils le peuvent. Le jeune homme reprend les choses en mains et à force de travail et de projets parviendra au fil des années à devenir maître d'une exploitation agricole moderne et productive. Ses qualités de meneur d'hommes se révèlent payantes - mais ses accès de violence parfois injustifiés déclenchent des ressentiments tenaces auprès de certains employés.

A l'orée de la quarantaine, Esteban après des débordements tous azimuts, a conscience qu'il lui faut changer de vie et prendre épouse pour fonder une famille. Ses vues se portent sur Clara DELVALLE, la plus jeune sœur de Rosa. Clara est à l'opposée de son mari, elle est douce et possède ce qui est assez étonnant des facultés de spirite, elle fait bouger les objets ou les meubles ...( ce côte magique participe à l'ambiance de l'histoire et elle ne choque pas plus que celà) Elle est la bonté, la patience personnifiées et fait preuve d'un véritable don pour prévoir les malheurs, sans toutefois parvenir à les empêcher. Clara consigne régulièrement dans son journal tous les évènements marquants de la famille - elle s'oppose en douceur à la violence de son mari qui est un véritable patriarche peu aimé de ses fils , elle se battra pour que les femmes chiliennes accèdent à une certaine liberté - bien entendu ses positions ne sont pas au goût d'Esteban qui entreprend une carrière politique.

La fille d'Esteban, Blanca va s'opposer à son père pour vivre l'amour qu'elle éprouve depuis enfant pour le fils du régisseur de l'exploitation agricole. Nous assistons à cette occasion à de multiples rebondissements qui s'inscrivent au moment du coup d'état de Pinochet. Des règlements de compte ont lieu et ALBA la petite fille fera les frais ainsi que son grand-père conservateur dans l'âme. Clara, Blanca et Alba trois femmes jalonnent ainsi ce roman  - ce sont des caractères forts hors du commun qui entrent souvent en conflit avec le patriarche.

A travers l'histoire passionnante de cette famille, c'est toute l'histoire du XXème siècle au Chili que l'on découvre avec la montée du communisme, la révolte des pauvres contre la bourgeoisie, jusqu'au coup d'Etat qui plongera tout le pays dans une vague de terreur et d'incertitude mais aussi un espoir subtil d'ouverture et d'humanité.

Ce roman a été adapté au cinéma par Bille August avec Jeremy Irons - Meryl Streep – Glenn Glose notamment et bien d'autres acteurs de renom - mais difficile de condenser un siècle en 2 heures !!

Une citation pour prendre la mesure de la profondeur de ce roman et du questionnement sur la mort – questionnement sans réponse depuis la nuit des temps si l'on fait abstraction des religions:

"En mourant, tout comme à l'instant de venir au monde, nous avons peur de l'inconnu. Mais la peur est quelque chose d'intérieur à nous-mêmes, qui n'a rien à voir avec la réalité. Ainsi mourir est comme naître : un simple changement."