GARDE A VOUS !!! Par MES

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                                                                                                   Le Maréchal des armées célestes

                                                                                                                           à

                                                                                                           La Générale des Anges

            Générale,

            La PMA* m’a rapporté hier que deux de vos agents, envoyés en mission à st Auban (F. 06) le 6 novembre à 14h30 (date et heure locales), ont dû être hospitalisés d’urgence le soir même pour multi-traumatismes.

             Les intéressés n’étant pas encore en état d’être interrogés, nous n’avons sur les évènements qui se sont produits que les quelques éléments que la PMA a pu recueillir à leur arrivée dans l’unité de soins intensifs, éléments dont la véracité n’est pas établie, étant donné leur état d’agitation et de confusion mentale.

 

Vous leur trouverez peut-être une explication ou un sens, c’est pourquoi je vous soumets leur retranscription dactylographiée.

            Vous voudrez bien me présenter une note écrite à ce sujet. Il me paraît en effet indispensable d’ouvrir une enquête administrative. Pour l’instant, je me bornerai à vous faire part de mon étonnement de ce que la dangerosité de cette mission n’ait pas fait l’objet d’une enquête préliminaire et d’un rapport à me soumettre pour exequatur.

Interrogatoire des Anges Jaspin et Jasmin (poste de Thorenc) :

« Question de la PMA :

votre arrivée s’est elle passée normalement ? 

Réponse de l’agent Jasmin : …trop de patchouli, trop de patchouli… (l’agent étant cadre-parfumeur, il peut s’agir d’un souci professionnel, sans aucune relation avec les faits)

Q : y avait-il beaucoup de monde ?

Réponse de l’agent Jaspin : trop serrés, pas d’air, parlent tous en même temps, même P peut pas en placer une…

Q :  qui est P ?

R : la personne qui devait parler mais toujours la bouche pleine de truffes au chocolat…(l’orateur a-t-il vraiment été empêché de parler dans ces conditions ? Le propos n’est pas clair)

Q : à quel moment avez-vous ressenti que la tenue de la réunion commençait à vous échapper ?

R : la chanteuse, celle qui ne peut atteindre le contre-ut… (long silence)

Q : oui, eh bien ?

R : pourquoi elle ne pouvait pas se servir d’un micro ? pourquoi sont-ils tous morts de rire ?

Q : qui était mort de rire ?

R (agent Jasmin) : mais tous !  sauf nous... Pourquoi elle n’aurait pas pu ? on a assisté à plein de concerts cet été où les chanteurs avaient des micros, à nous crever les oreilles, même quand ils chantaient faux… et pourquoi ils ont encore tous ri quand ils ont parlé de faire la ronde ?

Q : revenons à la réunion, s’il vous plaît. Qu’avez vous remarqué d’anormal ?

R (agent Jaspin) : il y avait deux camps : les « pour » et les « contre », mais on ne savait pas trop pourquoi ni de quoi. Ils parlaient du gang des Lyonnais…non, pas des Lyonnais… des Viennois…et d’un vieux Parrain, très contesté… et d’un enfant mort, beaucoup de sang… et d’une femme qui avait tué son enfant…ou qui était battue par son enfant…on ne se souvient plus très bien… (indiscutablement, les agents ont subi un violent traumatisme qui a brouillé leurs souvenirs)

Q : on a parlé de romans, de nouvelles ?

R (agent Jasmin) : non, oui, je ne sais plus… toujours la passion, la folie, les échecs… la honte, la haine… plus de tendresse, plus de dignité : des cabrioles, des calculs…  plus d’amour : des pulsions… la confusion des sentiments…  plus rien que des bulles dans du goudron et nous, on était sur la margelle de ce puits et on les regardait barboter… les « pour », ça avait l’air de leur plaire tellement et les « contre », ils savaient pas trop quoi dire, même qu’elle a mis de la crème dans son thé à la menthe et qu’elle l’a bu, ça devait pourtant être infect… ooh je me sens mal…

Q : de qui parlez-vous ?

R (agent Jaspin) : Else…les somnifères, pauvre petite fille humiliée…vendue pour trente mille florins, même Judas n’en avait obtenu que trente… on ne pouvait pas l’aider, on n’est pas habilités à descendre aux Enfers, on n’avait même pas de tenues de protection (l’agitation des agents ne faisant qu’empirer, nous demandons l’avis du médecin présent qui préconise l’arrêt de l’interrogatoire)

Q : cette personne était présente à la réunion ?

R (agent Jasmin) : oh oui, elles étaient toutes là, ces pauvres créatures à qui la Grâce faisait défaut, parce qu’ils avaient du talent et qu’ils tapaient à coups redoublés sur toutes les faiblesses des systèmes… ils arrivaient à un moment où on en avait assez des Grrands Sentiments, des Grrandes Idées, mais ils ne savaient pas ce qui allait arriver… l’autre, le plus jeune,  oui il savait, même qu’il a décampé à toute vitesse quand il était encore temps, il avait le nez fin, mais il en est quand même mort… (les propos étant de plus en plus confus, nous arrêtons l’enregistrement) »

Vous constaterez qu’en dépit de quelques indices, il ne semble pas que vos envoyés aient été victimes de sévices physiques mais bien de violences morales et mentales qu’ils n’ont pu supporter.

         Toutefois, nous savons tous que la remise en état de nos troupes a un bilan coûts-avantages négatif non négligeable : les vapeurs de bromure de n-propyle sont particulièrement nocives pour la finesse et la précision de l’odorat de nos parfumeurs. Le rétamage des rémiges entraîne des crampes douloureuses pour les sinistrés. Quant au remplacement des auréoles cabossées ou ayant reçu un faux-pli au repassage, il faut une Eternité pour en recevoir un exemplaire.

          Les médecins et nos experts étant encore dans l’impossibilité de se prononcer sur le caractère ineffaçable et le coût des dommages subis, je me contenterai donc pour le moment de vous interdire d’envoyer de nouvelles missions d’inspection de ces réunions hautement suspectes.

                                                                                                Signé : Maréchal des armées célestes (illisible)

                                                                                                                         Hautes sphères

                                                                                                           Le 7 novembre 2017 (date locale)

                                                                                                                           Cachet

*Note de l’éditeur : PMA, police militaire des anges