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- Mademoiselle Else, par Béasihono

- Mademoiselle Else, par Béasihono

novembre 17/Virginie/

Source image : Pinterest

 

Mademoiselle Else,

nouvelle publiée en 1924, devient très vite un film (1929) puis se dispersera au travers du monde sous la forme de pièce de théâtre.        Arthur Schnitzler livre aux lecteurs, l'intimité d'une jeune fille avec une série de fantasmes sexuels parfaitement conscients, d'un questionnement sur sa place dans la société, dans sa famille. Car Else, sommée de sauver l'honneur de ses parents, se pose une question essentielle qui n'obtient aucune réponse: et vous? Qu’avez vous fait pour moi?

       L'histoire pourrait être résumée ainsi: Un père perpétuellement ruiné et sur le point de finir en prison demande à sa fille, par l'entremise de sa femme, d'emprunter 30 000 florins (qui deviendront 50 000) à l'une de ses relations, M. von Dorsday, riche et vieux marchand d'art.

       Il va sans dire que la jeune fille en question, Else, est jeune (19 ans) et belle et que ses charmes sont, de façon officieuse, une manière de faire fléchir le vieux créancier.

       On peut aussi faire beaucoup plus court et dire que pour sauver sa réputation, un couple de bourgeois viennois engage leur fille à se "prostituer" afin de pourvoir à leurs dettes.

     "Je veux bien être une dévergondée mais pas une putain. Vous avez mal fait votre compte, M. von Dorsday. Et papa aussi. Il a mal calculé son coup. Car il devait se douter... Il connaît les hommes. Il connaît von Dorsday. Il pouvait prévoir que M. von Dorsday ne faisait rien pour rien. [...] Quand on a une fille aussi jolie pourquoi ferait-on un tour en prison ?".

       L'écriture de cette nouvelle est extrêmement alerte. Le style nouveau pour l'époque, correspond au défilement des pensées d’Else.

       Else est certes jolie mais aussi ce que Freud appelait hystérique. Elle est narcissique, volubile, séductrice. Ses pensées sont donc à l'image de sa personnalité, prolixes, capricieuses, fantasques, indécises et versatiles. Un rythme donc rapide, enjoué, exultant... Difficile de ne pas lire ce livre d'une traite.

       C'est enfermé dans la conscience d'Else que nous apparaît le monde extérieur. Un monologue où cette jeune fille se raconte à l’abri, dans son for intérieur. Quelques dialogues parsemés ici et là créent un pont entre intérieur et extérieur, et c'est entre ces deux faces d'une seule pièce que le talent éblouissant de Arthur Schnitzler va nous basculer sans cesse. L'écriture est minutieuse car il ne s'agissait évidemment pas de se louper.

       L'opportunisme de Mademoiselle Else est définitivement moderne. Elle rêve d'un mari riche et peu embarrassant pour pouvoir séduire et abandonner "mille amants" qui ne cesseraient de clamer sa grâce et sa beauté. Else est loin d'être stupide et a déjà très vite compris que seule sa jeunesse, fugace, et sa beauté ne pourront lui offrir cette vie de déesse. Il lui faudra faire des concessions. Entre mariage d'amour et mariage d'intérêt, son choix est arrêté. Elle possède une intelligence d'instinct, fine et sauvage qui lui permet d'être lucide sur bien des choses alors même qu'elle s'aveugle sur beaucoup d'autres. Cela donne un monologue bien souvent drôle où Else ne s'épargne pas les critiques en tout genre.

       Il en reste une jeune fille fragile qui se croit forte, auto-sacrifiée par une famille sans vergogne et sans amour, qui ne trouve de sens à sa vie que dans la mise en scène d'une fin ratée, rongée par une culpabilité qu'elle échoue à mettre à l'écart.

       Là où Vladimir Nabokov voit des jeunes filles diaboliques, Arthur Schnitzler voit une jeune fille torturée.    

   Arthur Schnitzler, tourmenté par le plaisir que les femmes déclenchent, assommé par la souffrance que les passions amoureuses induisent, n'aura de cesse d'écrire sur l'impossible rencontre homme-femme, sur la possession de l'autre et son aboutissement mortifère.

       C'est un bijou de la littérature en seulement 100 pages.



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Commentaires/ 1

  • Portrait de MES
    MES (non vérifié)
    nov 17, 2017, 15:58-répondre

    Vindiou ! la belle église !! quel beau pont et quel article !!! on en reparlera quand j'aurai moins mal au dos d'avoir planté toutes ces jacinthes... pour ce soir, merci Béa !!!!


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