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- "Vipère au poing", d'Hervé Bazin - par Béasihono

- "Vipère au poing", d'Hervé Bazin - par Béasihono

juillet 03/Virginie/

Source image Pinterest

Vipère au poing est le premier roman d'Hervé Bazin, un roman tout en haine et en révolte, parsemé de pointes d'humour, contre Folcoche, contre l'indifférent M. Rezeau (un fantoche), contre l'éducation bourgeoise et la religion catholique et même contre ses frères et lui même. Alors que les V.F. (Vengeance Folcoche) fleurissent sur les arbres du parc, la rébellion et l'indépendance grandissent dans l'esprit de Jean.

Au fond, et il l'admet sans souci, il est comme sa mère. Aussi se jure-t-il de lui faire payer toutes les mesquineries et les sévices moraux ou physiques  qu'elle leur  fait endurer, à lui et à ses frères, durant ces années censées être les plus joyeuses de la vie, et on ne doute pas qu'il y soit parvenu plus tard.

Ce roman, en partie autobiographique, est bouleversant de sincérité et de rage. Je l'ai relu avec plaisir tout en ayant à l'esprit l'adaptation cinématographique avec la grandiose  Alice SAPRITCH à qui le rôle allait comme un gant et plus près de nous  avec Catherine FROT, peut être plus subtile dans la perversité.

Apparemment les 2 frères Jean (surnommé BRASSE BOUILLON) et Ferdinand (surnommé Chiffe) ont coulé des jours heureux auprès de leur grand mère dans le domaine familial - grand mère dépeinte comme une femme attentive ,  tandis que leurs parents et  leur plus jeune frère Marcel alias Cropette vivaient en Chine, et donnaient sporadiquement des nouvelles - déléguant donc  toute autorité à cette grand mère qui,  si elle n'était pas gâteau car elle "n'avait pas le baiser facile, ni le bonbon à la main" (p 26) était  à tout prendre dans la normalité et  pouvait éprouver de l'émotion - des sentiments et de l'inquiétude pour  ses petits enfants.

Mais patatras, comme le dit l'auteur, "grand mère mourut. Ma mère parut et ce récit devient un drame (p 26). Une constatation lapidaire qui donne un avant goût et oppose un avant et un après radicalement différent. Un combat acharné, ou devrait-on dire, une guerre sans merci  va se dérouler entre Brasse Bouillon et sa mère qui veut étendre une autorité tyrannique sur ses fils - son mari et sa domesticité - rien ne lui échappe d'autant plus qu'elle rappelle haut et fort que c'est elle qui finalement fait bouillir la marmite car sans sa dot les REZEAU n'auraient plus qu'à mettre la clé sous la porte... Toujours est t’il ce n'est plus une maison familiale mais une caserne, il ne manque plus que l'appel du clairon - un régime spartiate où est banni toute fantaisie - tout est réglé comme du papier à musique et malheur à qui contrevient à ce règlement. Le superflu n'était pas de mise pour Folcoche qui affamait et privait ses enfants du nécessaire - de nos jours elle ferait l'objet de poursuites judiciaires pour mauvais traitements sur mineurs de 15 ans, mais à cette époque les proches font profil bas et rien ne filtrera de ce qui se passe dans cette demeure bourgeoise où Madame décide de tout et où M. acquiesce sans se faire prier et fait preuve d'une lâcheté sans limite même lorsqu'il remarque les traces toutes fraiches de  sévices corporels (p 66). Beaucoup fermeront les yeux contre une obole ou un don, l'argent achète bien des silences et peu importe que des enfants souffrent...

Voilà  FOLCOCHE obligée de s'absenter pour subir l'ablation de la vésicule biliaire...une corrélation voulue par l'auteur au regard du fiel qu'elle manifeste envers son entourage ? Mais  une question la taraude "que resterait-il de son empire à son retour" ? (p 92) Vaillamment, car elle a un caractère bien trempé, elle tente de résister à ses crises et finit par capituler à contre cœur...

Les enfants sont satisfaits- ils respirent - mais ne sont pas heureux pour autant "la haine encore plus que l'amour ça occupe" (p 95) toutefois ce répit est mis à profit pour reconquérir une certaine liberté et  tisser des rapports plus étroits avec leur père... Quant à Folcoche son état s'aggrave au bout de plusieurs mois d'hospitalisation et il est même question de lui administrer l'extrême onction. Cette nouvelle réjouit il faut bien l'avouer  les 3 garçons devenus adolescents tandis que le père s'adonne à sa passion d'entomologiste... l'empire de Folcoche est au plus mal, mais contre toute attente elle débarque un jour sans tambour ni trompettes, surprenant ainsi son monde et tente de reprendre les rênes de façon plus subtile et détournée  car la discipline s'est bien relâchée en son absence - son mari la trouve "plus vivable" (p 122) mais elle va appliquer la devise "diviser pour mieux régner" une stratégie  qui pourrait être payante. Mais c'est sans compter l'opiniâtreté de Brasse Bouillon  qui s'aperçoit que "l'hypocrisie est sœur de la patience" (p153), Machiavel n'a qu'à bien se tenir... tandis qu'il manœuvre discrètement les différents membres de la famille la machine s'emballe et les turpitudes de part et d'autres se déchainent car FOLCOCHE et lui éprouvent la même méchanceté - en fait ils sont les 2 faces d'une même pièce...

Le lecteur est tenu en haleine jusqu'au bout et a hâte de savoir qui de Folcoche ou Brasse Bouillon va céder le pas...

 



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Commentaires/ 3

  • Portrait de Pierre
    Pierre (non vérifié)
    juil 03, 2017, 15:41-répondre

    pour reprendre ce que disait Bentji dans son commentaire de l’article de MES sur Rendell : pas d’autre exemple de famille heureuse ? je voudrais bien savoir pourquoi toi, Béasihono, tu as choisi de nous rappeler ce grand classique de cruauté familiale ? de mauvais souvenirs ? chez toi ou chez les voisins ? une passion adolescente pour Hervé Bazin ? moi, j’ai eu des parents sympa, pas compliqués, qui n’ayant lu ni Dolto ni Miller ne s’interrogeaient pas sur les méthodes d’éducation. Ils se contentaient de nous donner de l’attention et beaucoup d’affection. Ils ne pensaient pas être des saints, ni des dieux, nous non plus ! et ils ne nous demandaient pas de l’être. Personne n’ayant de piédestal, on ne risquait pas d’en tomber ! On faisait ce qu’on pouvait et on ne passait pas son temps à se chercher mutuellement des poux dans la tête. On riait beaucoup chez nous ce qui à mon avis est un merveilleux cadeau à faire à des enfants. Bien plus puissant pour le développement personnel que de passer sa vie de parent à s’angoisser sur l’Œdipe des uns et la polarité des autres…

  • Portrait de Virginie
    Virginie
    juil 03, 2017, 15:41-répondre

    Bonjour Pierre, merci de nous rappeler que les familles heureuses existent ! Même imparfaites, SURTOUT imparfaites je dirais ... ça nous déculpabilise bien en tant que parents et tu auras compris que, pour ma part, je ne suis pas du tout copine avec "le complexe d'Oedipe" ;-) Bonne journée

  • Portrait de MES
    MES (non vérifié)
    juil 03, 2017, 15:41-répondre

    AAAAAHHHHH, merci Pierre ! tu es un frère ! enfin quelqu’un qui s’y colle quand je lance mon long brame dans les bois. J’étais en train de me demander quelle salade j’allais encore inventer pour essayer de contrer la vision calamiteuse qu’avait Bazin de la vie familiale. Que Béasihono me pardonne, j’ai beaucoup aimé son article si cruellement détaillé mais il a provoqué chez moi une véritable crise de manque : « des gens heureux, des gens heureux, par pitié !!! » comme disait Noah, dans le Bal des maudits, « des êtres humains ! des êtres humains ! ».


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